Monuments aux morts de Sannat et des cantons d’Evaux et Chambon
Nous avons voulu par cette petite étude comparer le monument aux morts de Sannat avec ceux des communes voisines du Canton d’Evaux-les-Bains, auquel nous appartenons, et du Canton de Chambon sur Voueize avec lequel il va prochainement fusionner.
Nous avons ajouté à cette comparaison deux monuments emblématiques de « l’art mémoriel » creusois, ceux de Gentioux et de Guéret.
Nous avons ajouté à cette comparaison deux monuments emblématiques de « l’art mémoriel » creusois, ceux de Gentioux et de Guéret.
Le monument aux morts de Sannat
Par : Jean-Pierre Buisson
Par : Jean-Pierre Buisson
Le monument aux morts de Sannat fut érigé, comme dans la plupart des communes de France, au lendemain de la première guerre mondiale. Les pertes humaines avaient été si considérables qu’il parut nécessaire de rendre un hommage solennel et durable aux victimes. La décision fut prise par le conseil municipal en sa séance du 19 février 1922, M. Delage étant maire.
Comparé aux monuments des deux cantons d’Evaux et de Chambon (qui bientôt n’en formeront plus qu’un), il surprend quelque peu.
D’abord par le matériau utilisé pour la réalisation de la partie inférieure du monument, le calcaire, dans une région réputée pour la qualité de son granite. (Calcaire en provenance du Pas de Calais). Au pied de l’église édifiée 25 ans plus tôt, arborant de magnifiques contreforts, des soubassements et un clocher entièrement réalisés en moellons de granite de Fayolle ou des Vallettes taillés par les artisans-paysans de la commune, il détonne. D’autant plus que la plupart des autres communes ont respecté la tradition de l’utilisation du granite. Il faut dire qu’un vent de pseudo-modernité semblait souffler sur la commune à cette époque puisque le bâtiment de la poste devait provoquer la même rupture avec le passé, avec ses encadrements de baies et ses pierres d’angle également en calcaire. (La construction de la poste fut décidée par le conseil municipal en 1913). Qu’en pensèrent les tailleurs de pierre et les maçons Sannatois de l’époque qui avaient bâti l’église de leurs mains?
La seconde originalité est qu’il est surmonté d’une statue d’un soldat. Aucune commune du canton d’Evaux n’a fait ce choix et seule la commune de Lussat dans le canton de Chambon a fait comme nous. Encore son soldat adopte t-il une attitude très différente, l’arme au pied. Saint Julien le Châtel s’est contenté d’un buste. Ailleurs, soit on a choisi d’ériger une simple stèle de granite en forme d’obélisque plus ou moins massif, parfois surmontée d’un coq, animal symbolique de la France (Evaux, Châtain, Fontanières…), parfois d’une urne avec une flamme (Viersat, Chambon...). Mais dans tous les cas on respecte une certaine sobriété.
Ce n’est pas tout à fait le cas à Sannat où le soldat, de taille relativement imposante, affiche une détermination et une ardeur que la victoire semble galvaniser. C’est d’ailleurs elle qui donne son nom à cette statue qui figurait dans le catalogue de la célèbre fonderie d’art Antoine Durenne. Le « Poilu victorieux » est une œuvre du sculpteur français Eugène Bénet, réalisée en 1920. Destinée aux monuments aux morts, elle en orne plusieurs centaines à travers la France. (Il en fut réalisé 900). On la trouve en Creuse à Soumans, à Rougnat, à Chéniers, et peut-être ailleurs. L'œuvre est une sculpture en bronze ou plus souvent en fonte de fer.(C’est le cas à Sannat) Elle représente un poilu, un soldat français de la Première Guerre mondiale, debout et brandissant dans son poing droit une palme et une couronne de laurier. Le soldat est moustachu et en uniforme complet, y compris la capote et le casque Adrian. Il s’agit de l’uniforme bleu horizon. A Sannat il n’est pas peint et conserve la couleur d’origine, celle d’un fer bronzé. Il tient un fusil Lebel dans sa main gauche, une cartouchière est passée à sa ceinture et un masque à gaz pend en bandoulière. Il arbore la Légion d'honneur, la Médaille militaire, et la Croix de guerre. Le poing levé, la jambe en avant et le corps tendu traduisent sa détermination. L’artiste lui a donné l’apparence d’un combattant prêt à partir au combat. Sa bouche s’ouvre comme pour donner le signal de l’assaut. C’est ainsi qu’on analyse généralement ce poilu triomphant qui rangerait notre monument dans la catégorie des « monuments patriotiques », un peu guerriers.
On peut cependant apporter deux restrictions :
Une certaine colère semble habiter le personnage, son poing tendu semble plus proche de la révolte que du plaisir de la victoire. N’est-ce pas de la colère qu’il exprime, victorieux certes, mais « plus jamais ça » semble-t-il crier, comme on disait à l’époque. Celle-là doit être « la der des der ».
Même le laurier ou la palme sont sujets à interprétation diverses. Ces deux plantes symbolisent certes la victoire, mais aussi l’immortalité, celle du souvenir. Elles peuvent signifier également la force tranquille du vainqueur qui désormais veut la paix, qu’illustre aussi le rameau de chêne mêlé au laurier au bas du monument. L’inscription gravée sur la face sud du monument est elle classée généralement dans la catégorie des formes « civiques », plutôt neutres. Elle figure sur plus de la moitié des monuments, elle est largement la plus répandue. (Les formules patriotiques sont plutôt du genre « Gloire à nos héros »).
Notons qu’en Limousin est assez fréquent le type de monument dit pacifiste, comme celui de Guéret qui est orné de la statue d’une femme qui pleure son fils ou son époux, et que la Creuse est nationalement connue pour son monument qui marque une franche hostilité à la guerre, celui de Gentioux où un écolier montre du doigt l’inscription « Maudite soit la guerre ».
Chacun est en droit d’interpréter la symbolique de notre monument comme il l’entend, mais c’est celui de nos ancêtres et quoi qu’il en soit nous le respectons.
Remarquons qu’il est ceint d’une chaîne qui repose sur des obus. Le caractère fermé délimite habituellement un lieu sacré que nul ne doit profaner. La présence des obus peut être interprétée elle aussi de manière contradictoire. Sont-ils là pour signifier qu’ils ont permis la victoire, ou qu’ils ont causé tant de morts ?
Les noms des soldats morts au combat sont inscrits dans l’ordre chronologique de leur décès alors que généralement c’est l’ordre alphabétique qui prévaut.
Comparé aux monuments des deux cantons d’Evaux et de Chambon (qui bientôt n’en formeront plus qu’un), il surprend quelque peu.
D’abord par le matériau utilisé pour la réalisation de la partie inférieure du monument, le calcaire, dans une région réputée pour la qualité de son granite. (Calcaire en provenance du Pas de Calais). Au pied de l’église édifiée 25 ans plus tôt, arborant de magnifiques contreforts, des soubassements et un clocher entièrement réalisés en moellons de granite de Fayolle ou des Vallettes taillés par les artisans-paysans de la commune, il détonne. D’autant plus que la plupart des autres communes ont respecté la tradition de l’utilisation du granite. Il faut dire qu’un vent de pseudo-modernité semblait souffler sur la commune à cette époque puisque le bâtiment de la poste devait provoquer la même rupture avec le passé, avec ses encadrements de baies et ses pierres d’angle également en calcaire. (La construction de la poste fut décidée par le conseil municipal en 1913). Qu’en pensèrent les tailleurs de pierre et les maçons Sannatois de l’époque qui avaient bâti l’église de leurs mains?
La seconde originalité est qu’il est surmonté d’une statue d’un soldat. Aucune commune du canton d’Evaux n’a fait ce choix et seule la commune de Lussat dans le canton de Chambon a fait comme nous. Encore son soldat adopte t-il une attitude très différente, l’arme au pied. Saint Julien le Châtel s’est contenté d’un buste. Ailleurs, soit on a choisi d’ériger une simple stèle de granite en forme d’obélisque plus ou moins massif, parfois surmontée d’un coq, animal symbolique de la France (Evaux, Châtain, Fontanières…), parfois d’une urne avec une flamme (Viersat, Chambon...). Mais dans tous les cas on respecte une certaine sobriété.
Ce n’est pas tout à fait le cas à Sannat où le soldat, de taille relativement imposante, affiche une détermination et une ardeur que la victoire semble galvaniser. C’est d’ailleurs elle qui donne son nom à cette statue qui figurait dans le catalogue de la célèbre fonderie d’art Antoine Durenne. Le « Poilu victorieux » est une œuvre du sculpteur français Eugène Bénet, réalisée en 1920. Destinée aux monuments aux morts, elle en orne plusieurs centaines à travers la France. (Il en fut réalisé 900). On la trouve en Creuse à Soumans, à Rougnat, à Chéniers, et peut-être ailleurs. L'œuvre est une sculpture en bronze ou plus souvent en fonte de fer.(C’est le cas à Sannat) Elle représente un poilu, un soldat français de la Première Guerre mondiale, debout et brandissant dans son poing droit une palme et une couronne de laurier. Le soldat est moustachu et en uniforme complet, y compris la capote et le casque Adrian. Il s’agit de l’uniforme bleu horizon. A Sannat il n’est pas peint et conserve la couleur d’origine, celle d’un fer bronzé. Il tient un fusil Lebel dans sa main gauche, une cartouchière est passée à sa ceinture et un masque à gaz pend en bandoulière. Il arbore la Légion d'honneur, la Médaille militaire, et la Croix de guerre. Le poing levé, la jambe en avant et le corps tendu traduisent sa détermination. L’artiste lui a donné l’apparence d’un combattant prêt à partir au combat. Sa bouche s’ouvre comme pour donner le signal de l’assaut. C’est ainsi qu’on analyse généralement ce poilu triomphant qui rangerait notre monument dans la catégorie des « monuments patriotiques », un peu guerriers.
On peut cependant apporter deux restrictions :
Une certaine colère semble habiter le personnage, son poing tendu semble plus proche de la révolte que du plaisir de la victoire. N’est-ce pas de la colère qu’il exprime, victorieux certes, mais « plus jamais ça » semble-t-il crier, comme on disait à l’époque. Celle-là doit être « la der des der ».
Même le laurier ou la palme sont sujets à interprétation diverses. Ces deux plantes symbolisent certes la victoire, mais aussi l’immortalité, celle du souvenir. Elles peuvent signifier également la force tranquille du vainqueur qui désormais veut la paix, qu’illustre aussi le rameau de chêne mêlé au laurier au bas du monument. L’inscription gravée sur la face sud du monument est elle classée généralement dans la catégorie des formes « civiques », plutôt neutres. Elle figure sur plus de la moitié des monuments, elle est largement la plus répandue. (Les formules patriotiques sont plutôt du genre « Gloire à nos héros »).
Notons qu’en Limousin est assez fréquent le type de monument dit pacifiste, comme celui de Guéret qui est orné de la statue d’une femme qui pleure son fils ou son époux, et que la Creuse est nationalement connue pour son monument qui marque une franche hostilité à la guerre, celui de Gentioux où un écolier montre du doigt l’inscription « Maudite soit la guerre ».
Chacun est en droit d’interpréter la symbolique de notre monument comme il l’entend, mais c’est celui de nos ancêtres et quoi qu’il en soit nous le respectons.
Remarquons qu’il est ceint d’une chaîne qui repose sur des obus. Le caractère fermé délimite habituellement un lieu sacré que nul ne doit profaner. La présence des obus peut être interprétée elle aussi de manière contradictoire. Sont-ils là pour signifier qu’ils ont permis la victoire, ou qu’ils ont causé tant de morts ?
Les noms des soldats morts au combat sont inscrits dans l’ordre chronologique de leur décès alors que généralement c’est l’ordre alphabétique qui prévaut.
Monuments du canton d'Evaux-les-Bains
Monuments du canton de Chambon-sur-Voueize
Plus loin en Creuse...